Discussion et conclusion
Décrite pour la première fois en 1895 par KOJEWNIKOW, l’encéphalite de RASMUSSEN reste encore une énigme à l’aube du IIIème millénaire.
Certes, ses origines se précisent un peu mieux. On sait maintenant qu’il s’agit fort probablement d’une encéphalopathie progressive à expression épileptique: les crises partielles continues sont alors la traduction électrique d'une affection inflammatoire d’origine auto-immune qui touche initialement la zone prérolandique et périsylvienne.
Pourquoi cette zone est-elle toujours concernée?
Y a t’il une topologie génétique qui prédispose à ce type de lésion?
1- Certains cas sont en rapport avec les récepteurs au glutamate;
Faut-il alors prouver l’existence d’anticorps anti-récepteurs du glutamate pour faire une éventuelle plasmaphérèse? Ces anticorps disparaissent-ils au fil des années? Sont ils la cause ou la conséquence de cette encéphalite? Ces questions méritent d’être posées à des spécialistes. Un antiglutamate comme le RILUTEK, utilisé ordinairement dans la S.L.A.M.,peut-il avoir un intérêt? Que dire alors des bêtalactamines qui contrecarrent une éventuelle surproduction de glutamate en activant le gêne GLT1?
Existe t- il, comme le pense O’Hara, un mimétisme moléculaire entre certaines protéines de bactéries pathogènes et celles des récepteurs au glutamate (GLUR3)par analogie de structure, qui pourrait expliquer que le système immunitaire se retourne contre lui-même?
2- d’autres cas sont en rapport avec certains virus; quel rôle peuvent jouer les antiviraux souvent décevants. Retrouve t- on, là encore, un phénomène de mimicry avec les récepteurs au glutamate?
Bref! Il y aurait donc plusieurs types de RASMUSSEN?
Sur le plan neurophysiologique: l’unicité corticale du syndrome semble bien établie, même s’il existe des épilepsies d’origine sous corticale et plus précisément cérébelleuse (DUCHOWNY, Miami, abstract 4.52 comme le rapporte l’AMERICAN EPILPSY SOCIETY .
Sur le plan thérapeutique: devant cette origine exclusivement corticale des crises somato-motrices et des myoclonies, on aimerait voir apparaître une thérapeutique réunissant à la fois les propriétés anti-épileptiques des grands classiques (DIHYDAN, SABRIL, LAMICTAL, EPITOMAX) et les propriétés antimyocloniques du RIVOTRIL et du NOOTROPYL (PIRACETAM). Son action pourrait alors la situer en amont des antiépileptiques, ce qui éviterait toute interaction médicamenteuse éventuelle.
Le KEPPRA (LEVETIRACETAM) permet déjà de réduire les doses de Rivotril de façon appréciable. Ses dérivés, SELECTRACETAM et BRIVARACETAM, plus affins pour la protéine 2A de la vésicule synaptique impliquée dans la fusion vésiculaire et l’excrétion cellulaire des neurotransmetteurs, devraient encore mieux prévenir le phénomène d’embrasement (kindling) responsable de la propagation des décharges et parfois de leur bilatéralisation immédiate par les voies postérieures (Corne d’Ammon et trigone). L’Unverricht-Lundborg, autre encéphalopathie progressive à expression épileptique, serait un banc d’essai idéal car il faut bien reconnaître que l’encéphalite de Rasmussen est plus une maladie auto-immune!
Or, on sait que ce type d’épilepsie, qui est la conséquence d’un phénomène inflammatoire, résiste en partie aux anti-convulsivants : les clonies persistantes de l’orteil réalisent un électroencéphalogramme des plus fins, comme le faisait remarquer le professeur GROS, alors qu’elles n’ont pas de traductions électro-encéphalographiques!
Devant cette résistance, on comprend mieux la position du professeur O. DULAC et du professeur M. BAULAC pour qui les glucocorticoïdes apportent des succès, certes partiels, mais surtout une stabilisation des encéphalites, alors que les neurologues des Etats-Unis et du Canada, sceptiques sur les rémissions souvent passagères de la corticothérapie, semblent se tourner plus volontiers vers l’ hémisphérotomie précoce qui , chez l’enfant de moins de 12 ans, efface presque toute trace de maladie, tant la neuroplasticité peut faire des miracles!
Force est de constater qu’il n’y a pas encore de thérapeutique idéale. La découverte d’un immunorégulateur, voire d’un immunosuppresseur dénué d’effets secondaires peut-elle répondre à notre attente, puisqu’il s’agit:
- soit d’une réaction immunitaire exacerbée; un «vaccin comestible» pourrait demain «désensibiliser» un système immunitaire emballé;
- soit d’une infection chronique dont l’origine pourrait être analogue à l’agent du Creutzfeldt Jacob ou au virus de l’herpès car «une infection persistante, dit le Professeur PORTER, doit être évoquée dans toute maladie du système nerveux central d’étiologie indéterminée».
Et cette idée qu’une encéphalite chronique puisse être à l’origine d’une épilepsie dérive des observations de RASMUSSEN en 1958. Ce que KOPELOFF avait déjà entrevu en 1942!
Alors, quelles sont les interactions entre virus et génome humain, entre virus et système immunitaire?
Notre conclusion, on l’aura compris, aboutit plus à une réflexion, à un questionnement, à une discussion et tout ce qui a été avancé peut faire l’objet, grâce à ce site, d’une remise en question.
L’interactivité peut faire naître des points de vue contradictoires qui, englobés dans une pensée circulaire, offriront à l’Internaute divers aspects de l’encéphalite de RASMUSSEN.
Fort heureusement, le diagnostic en est fait de plus en plus précocément tout autour du monde. Cela ne veut pas dire pour autant qu’il y en ait plus qu’autrefois!
La tendance actuelle est d’utiliser en première intention les traitements immunomodulateurs avant d’avoir recours à la chirurgie. L’efficacité indéniable de l’hémisphèrotomie faite précocement, peut-elle faire l’unanimité de la communauté scientifique internationale?
Avons-nous le recul suffisant?
Si tel est le cas, il n’y a plus de temps à perdre… demain est déjà trop tard!
C’est la raison pour laquelle, l’élaboration d’un algorithme décisionnel de diagnostic et de traitement, nous tient le plus à cœur, afin de faire émerger un consensus international . Une tentative a bien été faite au niveau européen, mais est-elle vraiment satisfaisante? Certes, chaque cas est particulier; et les risques d’atypie ne sont ils pas vrais pour n’importe quelle maladie, sinon nous n’aurions plus besoin de spécialistes! Ce n’est peut-être pas une raison pour ne pas essayer de jeter les bases d’un projet de consensus que nous soumettons ci-après à votre réflexion.